HISTOIRE.. DES PETITS COCHONS DU LIKÈS
Dans son livre « Un siècle de vie likésienne », Frère Hervé Daniélou nous raconte comment, à partir de l’achat de la Maison Blanche, les Directeurs du Likès ont étendu leur propriété.
Nous disposons aux archives de quelques plans du Likès que vous pouvez télécharger ci-dessous (il proposent plus de détails que les images illustrant l’article)
Le plan ci-dessous présente la situation du Likès peu après 1864. Seuls figurent les bâtiments en U et la Maison Blanche.
Sur ces terrains, les Frères, soucieux d’économie, comme le faisaient la plus grande partie des établissements à l’époque, vont installer une porcherie. Le porc est, en effet, un animal omnivore qui transforme les restes des repas en succulentes côtelettes et autres rôtis, saucissons, saucisses… j’en passe et des meilleures !
A la recherche des cochons.
Où était installée la porcherie ?
A. Près du tunnel ?
Dans les archives, il y a un brouillon de plan qui situe l’installation porcine du côté de la sortie du tunnel vers la vallée du Steir.
La localisation paraît assez judicieuse. Elle se trouve éloignée du bâtiment principal et des habitations de Kerfeunteun. Elle est près d’une prairie en pente (l’ancien parc longeant la voie de chemin de fer) facilitant l’écoulement du lisier… Le certificat du Docteur Le Caër, médecin « hygiéniste » indique un lieu qui peut correspondre à cet emplacement.
Certificat du Dr Le Caër
Je soussigné Docteur en médecine, médecin de l’Hospice et de l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes, membre du comité d’hygiène, certifie avoir visité plusieurs fois l’étable à porcs dépendant de cet Établissement et avoir reconnu :
1° Que son isolement en dehors de la maison principale, sur un lieu élevé, battu par les vents, et tenu avec la propreté la plus grande, ne peut en rien contribuer à enfreindre les règles de l’hygiène nécessaires à un grand établissement.
2° Que c’est d’après mes conseils que ce local a été choisi et que les constructions ont été faites.
3° J’ajouterai de plus qu’aucun établissement du même genre n’est tenu avec plus de soin.
Quimper le 12 septembre 1873.
B. Près de la rue de Kerfeunteun ?
En 1886, Le Maire de Quimper, M. Porquier, accepte une porcherie dans l’enceinte du pensionnat à condition qu’elle soit située à 25 mètres au moins de toute habitation (s’agit-il d’une demande pour un transfert ?).
Autorisation du Maire de Quimper
Nous, Maire de la ville de Quimper,
Vu l’arrêté de M. le Préfet du Finistère, en date du 3 octobre 1849, sur la police sanitaire, et la lettre qu’il nous a écrite le 22 décembre 1885, concernant les porcheries ;
Vu la loi du 5 avril 1884, sur l’organisation municipale ;
Autorisons Mr le Directeur du Pensionnat Ste Marie à établir une porcherie dans son établissement, rue de Kerfeunteun en cette ville, sous la condition expresse qu’elle soit isolée et à 25 mètres au moins de toute habitation, ne comprenne pas plus de six animaux adultes et soit constamment tenue en état de propreté.
La présente autorisation sera soumise, par les soins de Mr le Directeur du Pensionnat Ste Marie, au visa de M. le Commissaire de Police qui demeure chargé d’en surveiller l’exécution.
Mairie de Quimper, le 6 Mars 1886
Le maire Porquier
Vu le Commissaire de Police
En 1890, Le district des Frères construit un Scolasticat prêt du tunnel. La porcherie, si elle était située à ce endroit, serait alors trop proche pour respecter les normes d’hygiène.
Mais nous savons, toujours par Frère Daniélou, qu’un bâtiment de ferme a été construit au Nord de la propriété, le long de la rue de Kerfeunteun, peu avant 1890. Il apparaît sur le premier plan dessiné en perspective, par le Frère Charles-Albert, en 1891.
C’est, sans doute, dans cette ferme que la porcherie se trouvait, à ce moment-là.
C. Aux deux lieux successivement ?
Il est probable que les deux implantations ont existé. L’administration a sans doute imposé un déplacement des installations qui a été facilité par les acquisitions foncières.
Nous avons dans les archives, un courrier que le Frère Cyrille de Jésus, Directeur du pensionnat adressait au Préfet du Finistère le 10 décembre 1985.
Lettre au préfet.
Quimper, le 10 Décembre 1885
A Monsieur le Préfet du Finistère.
Monsieur le Préfet,
Sur avis de Monsieur le Maire de Quimper et pour nous conformer aux règlements de police, je viens solliciter de votre bienveillance l’autorisation de conserver comme dans le passé la porcherie dépendante du Pensionnat Sainte Marie et dont l’existence, qui remonte à un grand nombre d’années, n’a jamais donné lieu à aucune réclamation
Cette étable, avec ses cours, est située hors du mur d’enceinte de notre établissement, en un lieu élevé, à la limite extrême de la Commune de Quimper, et loin de toute habitation.
Elle ne peut en aucune façon nuire à la ville ni aux habitants du quartier de Kerfeunteun, comme vous pouvez vous en convaincre, Monsieur le Préfet, par la copie ci-jointe du Certificat délivré jadis par Monsieur le docteur Le Caër.
De plus, un domestique est spécialement chargé d’y entretenir la propreté convenable.
J’espère que ma demande, à laquelle je joins le plan des lieux dont il s’agit, recevra de votre obligeance, Monsieur le Préfet, une solution conforme à mes désirs.
C’est dans cet espoir que je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’assurance du profond respect avec lequel je suis,
Votre très humble serviteur
F. Cyrille de Jésus
Directeur du Pensionnat Sainte Marie.
Une vie de cochon
Quoi qu’il en soit, Le Likès a réussi à élever des cochons sur le site, pendant très longtemps.
Le journal de trésorerie de M. Loisel, économe, et la chronique de M. Louis Mondeguer, parue dans « Le Likès » en Mars 1952, nous fournissent des indications sur cette activité d’élevage.
Le 17 octobre 1919, Le Likès achète 2 jeunes porcs.
Il en achètera deux autres le 5 janvier 1920. Mais il faut quelques temps pour qu’ils soient assez engraissés pour être abattus. Aussi, le 26 décembre faut-il acheter 2 autres porcs de 300 kilos pour les fêtes de fin d’année.
Nous avons quelques indications sur l’élevage, dans la chronique de mars 1952.
« Mon cicérone me conduit à la porcherie d’élevage ; pas de reproduction en effet, les gorets sont achetés à l’âge de 12 semaines. De belles bêtes, issues d’un croisement Yorkshire – truie commune, nous regardent en grognant, dix, si j’ai bonne souvenance. La semaine précédente, six ont connu le genre de mort habituel à leur race. J’interroge :
– Que nécessite un repas de rôti pour toute la maison, professeurs, employés et élèves ?
– 3 porcs entiers.
– Combien pèsent ces animaux que vous abattez ?
– Cent dix kilos au bout de trois mois d’engraissement. Et ils sont nourris simplement des restants de cuisine. Que voulez-vous, la gamelle est la même au Likès… »
En 1920, c’est le jardinier de l’école, Henri Le Berre qui s’occupe aussi des bestiaux. Pour cela, il reçoit un supplément de 5 francs (soit l’équivalent de 2 jours de travail !) sur son salaire.
Nous ne savons pas combien d’heures faisait le jardinier en une journée, mais la rémunération d’un jour correspondait seulement au prix d’une livre de porc sur pied ! Un maçon, ouvrier qualifié, lui, était payé 2 francs de l’heure !
Mais, nous reviendrons sur les conditions de vie entre 1919 et 1922 plus tard…