DOSSIER – LES RÈGLEMENTS ET LA VIE AU PENSIONNAT DU LIKÈS.

Pendant plus d’un siècle, l’enfant qui venait s’instruire au Likès y venait vivre 10 mois presque ininterrompus par de très courtes vacances. Pendant l’année scolaire 1900-1901, les vacances ont eu lieu du 29 décembre au 3 janvier et du 3 au 15 avril. Seuls les vacances de Pâques étaient « obligatoires » !

On comprend donc que, pour qu’une population scolaire variant entre 500 et 1 000 élèves puisse vivre en harmonie, il fallait un « minimum » de règles de vie commune.

Les Frères des Écoles Chrétiennes, fidèles disciples de Saint Jean-Baptiste de la Salle, ne limitaient pas le rôle de l’école à une simple transmission de connaissances mais lui donnait aussi une vraie mission d’éducation chrétienne.

Le Palmarès 1934-35 explique le rôle du règlement intérieur du Likès :

« Tous, au Likès, l’ont entre les mains ; beaucoup l’observent avec une fidélité digne d’éloges ; quelques distraits, habitués à le copier, le connaissent de mémoire.
Ce petit code de discipline intérieure est éloquent dans sa froideur ; muet, il commande à tout. Grâce à lui, la règle se substitue au caprice, le bien particulier se subordonne à l’intérêt général et l’égoïsme, qui tend à se mettre au centre de tout, se sacrifie à une fin supérieure.
Pour tel tyranneau domestique, qui pliait à ses ukases petit frère et petite soeur, quelquefois papa et maman, le règlement est un sédatif nécessaire au collège, la dictature prend fin et doit se faire obéissance. Car l’homme ne se développe moralement que dans la discipline ; la volonté se trempe dans la soumission et le sacrifice librement consentis.

Conserver la propreté dans les effets et l’ordre dans les choses, s’adonner au jeu ou à l’étude, se soumettre à des méthodes de travail, éviter le bruit et le bavardage en classe, répondre poliment, accepter réprimande et pensum…, qui dira les renoncements salutaires que supposent ces faits quotidiens ?

Propre sur soi !

Le règlement n’est cependant pas un moule où tous les caractères, de gré ou de force, doivent se couler, ni un filet qui emprisonne les énergies : « Le règlement, écrivait un grand éducateur, sert de rails aux ardents qu’il suffit de diriger ; de lisières aux faibles qui, sans ce soutien, donneraient du nez en terre ; de corset orthopédique aux caractères difformes, aux volontés toujours prêtes à dévier. »

Tuteur impartial et incorruptible, il laisse monter la sève de jeunesse qui, dans la maturité, se changera en fleurs et en fruits ; libre de monter, le suc nourrit les rameaux, gonfle les bourgeons, épanouit les fleurs. Livrés à eux-mêmes, le tronc se tord, les rameaux croissent en tous sens ; mais le tuteur les redresse, leur impose une direction sans gêner en rien la poussée de la sève ; il force l’arbuste, orienté de la sorte, à croître dans l’harmonie.
Ainsi opère le règlement : il n’étouffe pas, il dirige ; la contrainte qu’il impose est un principe de beauté morale.

Il ne faut pas se dissiper !

Le règlement suppose la surveillance, comme l’application de la loi réclame la police. Pourtant, rien de policier dans la surveillance pratiquée au Likès. Au grand jour, sans violences comme sans inquiètes suspicions, elle assure le travail, maintient la discipline, favorise la vertu et la piété.
Aux caractères légers ou capricieux, aux querelleurs, aux professionnels du chahut, elle impose l’ordre extérieur qui garantit l’ordre intérieur et la liberté du bien ; elle favorise l’effort personnel en écartant les obstacles qui pourraient l’affaiblir ou le détourner de la vertu.

Au Likès, la surveillance n’est pas un métier qu’on réserve à des mercenaires ; avec une vigilance affectueuse, tous les professeurs s’assurent que rien ne s’accomplit qui soit un préjudice moral pour les élèves et un motif d’inquiétude pour les parents.
Responsables, au physique comme au moral, ils exigent, non pas un ordre rigide, mais une discipline qui favorise le travail, la santé, la vertu ; ils aiment cette fonction où, mieux qu’en classe, ils étudient, pour l’orienter, l’activité spontanée de leurs jeunes disciples.
Chez tous, elle n’est pas également réglée et les meilleurs mêmes connaissent des défaillances qui motivent la répression.

Je ne veux voir qu’une tête dans le rang !

Regard désapprobateur, rappel à l’ordre, réprimande, pénitence… ne sont, dans l’intention des professeurs, qu’un appel à la conscience et à la réflexion. L’élève fautif sait que la sanction n’aura sa forme définitive que le samedi, à la publication des notes hebdomadaires.
Jour redouté ! Quid sum miser, tunc dicturus ! est-il dit au Dies irae. Oui, que dira le coupable à son juge – en l’espèce, M. le Directeur, – quand, dans une lecture monotone et lente, tomberont les notes lamentables qui apprécient un travail et une conduite inférieurs à la moyenne fixée ?

Une remarque brève, et d’autant plus sentie, force le délinquant obstiné ou de mémoire trop courte à se comparer, non pas avec le voisin, mais avec lui-même ; il apprécie la valeur de son effort moral beaucoup plus que de ses résultats scolaires. La semaine suivante sera-t-elle meilleure ?

Un billet d’honneur en 1902

Au fruit on connaît l’arbre, et aux notes hebdomadaires, !a bonne volonté des élèves. Chez certains, elle est indéniable ; voyez-les en classe, ils donnent à chacune de leurs minutes le maximum de rendement ; à la chapelle, au dortoir, on ne peut rien reprocher à leur tenue ; sur la cour, ils poursuivent la balle avec un entrain magnifique qui retient l’attention des rédacteurs au « Carnet de rapports », si heureux de solliciter des récompenses pour les méritants.

La terre est basse pour le jeu des capsules ou des billes !

Parfois, dans l’intention d’améliorer leur budget de bonnes notes, ces mêmes élèves apporteront leur concours soit au chœur, soit à la chorale ou à l’Harmonie pour parer à l’instabilité qui caractérise les devises scolaires, il est prudent de s’assurer à plusieurs banques de réserves !
Si les opérations ont été heureuses, révélant un caractère sérieux et appliqué, notre jeune agent verra avec joie son effort récompensé : jeudi et dimanche après-midi, il lui sera accordé de sortir en compagnie de ses parents ; à la fin du trimestre, il verra avec orgueil son nom inscrit au Tableau d’honneur et il recevra, en séance solennelle, ce billet rose qui est le Sésame, ouvre-toi impatiemment attendu, accordant un jour de congé supplémentaire.

Chacun attend sa part sagement. Et c’est bon !

Travailleur diligent, le bon élève a fourni un rude labeur. Seront-ils satisfaits, papa et maman, quand, au début de juillet, ils reverront leur grand garçon qui, au Likès, a pris de la taille et de l’expérience, un peu de science aussi ? Sa personnalité timidement s’affirme ; ses maîtres le regardent partir avec un peu d’inquiétude pour sa jeunesse, avec beaucoup d’espoir cependant à cause de sa bonne volonté et à cause de ces illusions salutaires que crée un grand amour pour des âmes particulièrement surveillées. »

Éléments du dossier

Nous possédons, dans les archives, l’Historique qui reprend le règlement arrêté en 1837, des anciens prospectus précisant les règles de fonctionnement de l’école et, après la réouverture de 1919, des petites brochures appelées « extraits de règlements » éditées par l’école.
Vous pouvez consulter ces documents et les télécharger.
Nous possédons aussi de nombreuses photos illustrant la vie quotidienne du likésien. Nous en avons retenu quelques unes.
Il n’y a pas de règlement sans sanctions. Vous pouvez consulter une liste des sanctions infligées aux élèves d’une classe de seconde technique de 1967 à 1973.

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1 août 2022